La digitalisation des services, des institutions et des entreprises connait un essor important et une accélération inédite, notamment à la suite de la crise du Covid.
Cette digitalisation n’est pas sans poser de questions, soulever des enjeux et constituer des défis pour les organisations.
Se pose notamment avec acuité un problème d’accès au numérique d’une bonne partie des public (analphabètes, jeunes, personnes ne disposant pas du matériel ou des compétences, publics ne maitrisant pas la langue, personnes âgées,…) qui implique, pour ces publics, des problèmes d’accès aux droits et, pour les travailleurs sociaux, une nécessité, de les compenser.
Lors de la crise du Covid, les services ont été temporairement fermés aux publics entrainant un non traitement temporaire des demandes. L’usage du numérique (réunions en visio, utilisation des smartphones,…), s’il a permis de compenser l’absence ou la diminution du travail en présentiel, a laissé une bonne partie des publics désemparés face à aux nouvelles modalités de fonctionnement (en distantiel/numérique) des institutions et organisations.
Il devenait très difficile de contacter les services (CPAS, mutuelles,…) et l’usage du numérique s’est imposé contribuant à une transformation des pratiques encore mal évaluée.
Si, depuis la fin de la crise Covid, on assiste à un certain retour à la normale avec le retour des possibilités liées au présentiel et à l’usage du papier, le numérique n’en prend pas moins une place centrale. La nouvelle norme semble devenir un fonctionnement mixte.
Le surinvestissement des organisations et des professionnels dans le numérique implique un certain désinvestissement des processus de communication plus classiques (présentiel, permanences, formulaire papier, téléphone,…). Les organisations et les professionnels s’interrogent, dès lors, d’une part sur les conséquences de ces transformations dans la possibilité de réaliser leurs missions à destination de leurs publics et, d’autre part, sur les dispositifs et dispositions à prendre et mettre en place pour permettre une meilleure prise en charge des besoins de ces publics.
Du côté des publics, et plus particulièrement des publics non ou peu numérisés, l’inflation du numérique implique le risque de ne plus accéder aux services et à leurs droits. Le numérique devient alors une barrière.
Si, d’une certaine manière, il devient plus rapide et plus facile d’obtenir des informations et des réponses via l’usage des outils numérique (notamment via l’usage de la multiplicité des plateformes, l’accès aux services et aux institutions passant de plus en plus par l’usage de ces plateformes), plutôt que par les procédures et processus plus traditionnels, les publics, n’étant pas outillés pour manier l’usage des plateformes avec aisance, risquent de perdre l’accès à leurs droits et aux services.
Plus loin, dans ce moment que nous connaissons de transition entre les moyens traditionnels de communication et les plateformes numériques, des inégalités puissantes peuvent se créer entre ceux qui y accèdent et ceux qui n’y accèdent pas, que ce soient pour des raisons sociologiques ou, plus simplement matérielles (informatique, smartphones abonnements,…).
Du côté des professionnels, ils deviennent – malgré eux – des assistants numériques pour leurs publics et consacrent une bonne partie de leur temps de travail à permettre à ces derniers d’utiliser les plateformes (que ce soit pour les règlement de dettes, l’énergie, les droits sociaux, les mutuelles, le fisc,…) , de leur expliquer leur fonctionnement, de faire usage de ITSME dont il devient difficile de se passer, mission difficile avec certains publics.
Les travailleurs sociaux doivent, alors, faire à la place des publics pour qu’ils puissent avoir accès à leurs droits et faute de pouvoir les outiller. Ils n’ont alors d’autre choix que de devenir des professionnels du numérique ; ce qui questionne particulièrement leur rôle professionnel qui implique l’établissement d’une relation de confiance, support de toute forme de capacitation ou d’émancipation des publics.
Plus que de constituer une nouvelle norme technique dans l’accès aux droits et aux services, le numérique recompose la relation entre les travailleurs sociaux et leurs publics, transformant les modalités relationnelles, questionnant le sens même du travail social. La nécessité de l’usage du numérique fait perdre aux travailleurs sociaux une partie de leurs publics, ceux qui, paradoxalement, ont le plus besoin d’aide. Les publics qui ne disposent pas le leurs codes d’accès identifiants et autres log in peinent, même avec l’aide des travailleurs sociaux à s’identifier et à accéder aux services. L’allongement des délais rend difficile de traiter de nouvelles demandes et renvoient, encore plus que par le passé, nombre de travailleurs à un sentiment d’impuissance.
Certains professionnels, parfois, peinent eux-mêmes à s’y retrouver dans les nouvelles formes d’organisation mixte où il devient difficile voire impossible d’avoir un document officiel dans des délais raisonnables ou, plus simplement, quelqu’un au bout du fil ou au guichet qui aura la bonne information ou assumera une responsabilité par rapport à une demande introduite ; la responsabilité individuelle se déplace vers le fonctionnement procédural des clouds, comptes et plateformes.
Eu égard à l’allongement des délais d’obtention d’informations, d’accords, d’attestations,… des problèmes se posent plus particulièrement dans des situations urgentes (risque de saisie, d’expulsion, d’exclusion de l’accès aux droits,…).
Dans ce contexte, le CPAS de Schaerbeek souhaite mettre en chantier la question des transformations numériques actuelles et de la digitalisation ainsi que de leurs impacts dans la perspectives de construire, d’une part, des processus d’accès aux services du CPAS (modalités en termes d’organisation, de dispositifs, de dispositions et de processus internes pour répondre au mieux aux enjeux en permettant aux publics d’accéder aux droits et aux services de façon équitable) et, d’autre part, un processus de communication interne répondant aux besoins du public et du personnel, en tenant compte de leurs expériences, de leur vécu et de leurs difficultés d’« utilisateur·ices ».
Le CPAS de Schaerbeek souhaite traiter de la problématique de la digitalisation des services et de ses enjeux et impacts pour pouvoir construire des modalités organisationnelles et communicationnelles permettant d’accroitre la qualité dans la réalisation des missions au service des publics.
A cette fin, il a confié au Réseau SI d’organiser un processus de recherche participative impliquant Citoyens-Bénéficiaires et professionnels pour atteindre ces objectifs :
Objectif général :
L’objectif est de (re)penser le processus d’accès aux services du CPAS et sa communication interne à partir des besoins du public et du personnel, en tenant compte de leurs expériences, de leur vécu et de leurs difficultés d’« utilisateur·ices».
Objectifs spécifiques :
- Comprendre et analyser la problématique de la digitalisation et de ses impacts sur les publics, sur l’organisation du travail, sur le rôle des professionnels et sur le rapport des publics aux institutions dans la perspective de leur accès aux services et aux droits sociaux.
- Construite des processus/modalités d’accès aux services du CPAS (modalités en termes d’organisation, de dispositifs, de dispositions et de processus internes pour répondre au mieux aux enjeux en permettant aux publics d’accéder aux droits et aux services de façon équitable)
- Construire des processus/modalités de communication interne répondant aux besoins du public et du personnel, en tenant compte de leurs expériences, de leur vécu et de leurs difficultés d’« utilisateur·ices ».